
On trouve, sous la plume du paysan-philosophe Gustave Thibon, cette phrase surprenante : « À la différence du corps, l’âme se nourrit de sa faim ». Désirer Dieu, Lui dire qu’Il nous manque, mesurer la distance qui nous sépare de Lui, voilà un aliment véritable pour la foi.
C’est désormais une banalité que d’affirmer que notre époque est marquée par une satiété qui ne parvient pas à nous combler. Le manque n’a pas sa place, comme si le fait d’être pleinement satisfait était un droit imprescriptible. Le malheur est ainsi d’avoir appliqué à Dieu les lois de la société de consommation. Qu’y a-t-il de plus triste que les croyants qui pensent tout savoir de Dieu : ils sont comme ceux qui ne le cherchent pas.
Le temps du Carême nous est offert pour apprendre à désirer Dieu. L’Église, à la suite de l’Évangile, nous donne des moyens pour cela : le jeûne, la prière, l’aumône. Il est de bon ton chez les chrétiens de les relativiser. Cela n’est pas très juste. Ils ne sont pas là pour eux-mêmes mais pour un bien plus grand : aimer davantage Dieu et notre prochain. Ils nous rappellent nos limites, nos difficultés à nous décentrer et mettent à mal nos illusions de perfection.
Quarante jours : cette durée est symbolique. Elle renvoie à l’expérience du Christ qui elle-même récapitule les quarante années d’errance du peuple de Dieu au désert. Pour l’homme de la Bible, quarante ans, c’est le temps d’une vie humaine : « Toute la vie du chrétien est un saint désir » (Saint Augustin).